Consultant SEO à Nantes
Auteur et conférencier

Google formate peu à peu le web

Depuis sa création, Google a beaucoup évolué, tant au niveau de son apparence que de ses données et de son algorithme. Mais ce qui a réellement changé, c’est son but et sa stratégie. Récemment, cette dernière est devenue de plus en plus flagrante, au point d’induire en erreur les utilisateurs et d’être à la limite du vol des propriétaires de sites : Google domine le web mondial, et ce n’est pas près de s’arrêter.

Le modèle économique de Google

Google et Alphabet

Google est depuis quelques années une filiale de la société Alphabet qui possède ainsi Google Inc et surtout d’autres sociétés telles que :

  • Nest Labs (domotique) ;
  • Calico (biotechnologie) ;
  • Waymo (voitures autonomes) ;
  • DeepMind Technologies (recherches en intelligence artificielle)
  • etc.

En 2018, Alphabet a ainsi dépassé les 135 milliards de dollars de chiffre d’affaires, avec par exemple presque 40 milliards de dollars uniquement pour les 3 derniers mois de l’année.

Alphabet Inc
Alphabet Inc met en avant Google sur sa page d’accueil

Comment le moteur de recherche gagne t-il de l’argent ?

Mais Google est toujours la principale source de revenus du groupe entier. Les quelques entreprises citées précédemment (et toutes les autres non listées) sont en réalité des tests de Google (appelés « others bets ») pour pouvoir continuer sa croissance sur d’autres secteurs quand celui où il est présent est de plus en plus concurrentiel. Et sur ce dernier, Google génère environ 85% de ses revenus avec la publicité. Les 15% restants se répartissent ainsi dans ses autres activités (téléphonie, cloud, intelligence artificielle, etc.).

Le moteur de recherche repose donc sur un modèle économique puissant et assez binaire : la publicité en ligne.

Qu’est-ce que cela implique ?

Pour se développer, Google doit bien entendu continuer son développement technologique : fournir de manière fluide et efficace des résultats pertinents. Sur ce point, Google est en constante évolution et doit essayer de garder une longueur d’avance. Mais le réel objectif du moteur de recherche est bien plus terre à terre : générer toujours plus de revenus publicitaires.

Sur ce point, tout est fait pour inciter l’internaute à cliquer sur des résultats payants plutôt que sur les résultats classiques, quitte à détruire parfois certaines entreprises au passage. Ce qui est marrant, c’est que la devise de Google a été longtemps la même :

Don’t be evil

On pourrait la traduire littéralement par « ne faites pas le mal », mais son vrai sens était « soyez bienveillant ». Plusieurs interviews de ses créateurs prônent d’ailleurs le fait de rendre le monde ou le web « meilleur » (comme beaucoup de startups si vous voyez ce que je veux dire). Depuis 2015, le ton est changé et la nouvelle devise est devenue « Faites ce qui est juste » :

Do the Right Thing

Et malheureusement, « the right thing » semble s’adresser davantage aux investisseurs qu’aux utilisateurs.

La stratégie de Google

Se rendre indispensable

Dès ses premières années, cela a été la clé de la réussite de son moteur de recherche. On peut tous avoir un avis sur la qualité ou non des résultats de recherche, mais ce qui a fait la différence ce sont les services annexes que nous utilisons tous (ou presque) et qui ont fait sa force année après année :

  • Google News et Adsense (2003)
  • Google Maps (2005)
  • Picasa (2006)
  • Youtube (2006)
  • Google Agenda (2006)
  • Google Docs (2006)
  • Google Street View (2007)
  • Google Chrome (2010)
  • Etc.

Devenir un moteur de réponse

Pour être plus pertinent (attention à ce terme, il ne veut rien dire puisque Google n’est rien de plus qu’un programme informatique), Google évolue. Depuis quelques mois, c’est flagrant. Google veut réellement répondre à votre besoin et ne plus proposer uniquement des résultats classiques. Rappelez-vous à l’époque Google avait une interface très épurée face à d’autres comme Yahoo avec une interface bien plus chargée :

Accueil du site Yahoo
L’accueil du site Yahoo.fr

Google commence lentement mais surement à faire le chemin inverse, comme le montre cette dernière capture d’écran de Rand Fishkin. La discussion sur Twitter est d’ailleurs très intéressante puisqu’on voit clairement que Google veut être bien plus qu’un simple moteur de recherche en proposant toujours plus de résultats sur la météo, le sport ou encore sur vos prochaines sorties.

Google page d'accueil mobile
Une nouvelle interface mobile pour Google

Google va aussi au-devant de vos attentes en vous proposant des articles sans que vous en fassiez la demande, comme ici en me proposant un article lié à Nantes (où j’habite) avec la nouvelle fonctionnalité Google Discover :

Google Discover
L’affichage d’actualité via Google Discover

Être « pertinent »

On peut aimer ou pas les résultats que Google affiche sur chacune de nos requêtes, mais force est de constater que tôt ou tard nous naviguerons tous sur les différents sites de la société.

Cependant, Google ne peut pas se contenter de services annexes quand son produit principal est un moteur de recherche. Il doit donc innover constamment en traitant une masse d’informations sans précédent : plus de 3 milliards de recherches et  20 milliards de sites crawlés par jour. Et avec toujours uniquement 10 résultats naturels par page à proposer à l’internaute.

Le moteur de recherche se heurte donc à différentes problématiques :

  • avoir suffisamment de ressources pour crawler et indexer le web ;
  • être capable de comprendre un contenu, quels que soient :
    • sa langue ;
    • la façon d’écrire de l’auteur ;
    • le rendu HTML (certains développeurs codent avec les pieds…).
  • comprendre le besoin de l’internaute ;
  • répondre à ce dernier de façon pertinente ;
  • tout en mettant en avant les publicités ;
  • en anticipant vos besoins (moteur de réponse, Google Discover, etc.) ;
  • et faire tout cela en temps réel.

Google fait donc face à de fortes contraintes techniques, et pour les résoudre il n’y va pas par 4 chemins.

Google veut contrôler le web

Pour parvenir à ses fins, la firme abuse de sa position dominante pour modifier différents aspects du web mondial.

Cela commence par une simple problématique technique : comment être sûr de comprendre et d’indexer correctement un contenu, quel que soit le cas de figure. Un même contenu peut avoir été codé de façon très propre, et parfois c’est une soupe HTML peu accessible. Certains contenus sont rédigés avec un vrai respect de la langue, et parfois on pourrait croire qu’un enfant de 10 ans en est l’auteur. Comment faire pour comprendre chaque URL de chaque site en un minimum de temps et de ressources ? Tout simplement en forçant les webmasters à faire le travail à sa place.

Remarque : j’avoue faire certains raccourcis dans la partie qui suit. Gardez bien en tête qu’une société côtée comme Alphabet n’est pas là pour le bien commun, elle cherche avant tout à gagner de l’argent. Chaque démarche qu’elle met en place peut ainsi avoir une fonction de base qui profite au plus grand nombre, mais au bout du compte c’est toujours son intérêt qu’elle sert en premier.

Formater Internet

Schema.org

Le moyen le plus simple d’y parvenir est de s’assurer que le code que l’on va lire est uniforme ou à minima compréhensible. Le projet schema.org a ainsi été initié par plusieurs sociétés ayant les mêmes problématiques : Google, Yahoo, Microsoft, Yandex, etc.

Le but : ajouter du code non visible pour l’internaute mais qui explique le contenu de la page. On ajoutera par exemple un balisage « Recipe » pour nos recettes de cuisine ou encore un balisage « Product » et « Review » pour nos fiches produits et nos avis clients. Google n’utilise d’ailleurs qu’une partie de ce que propose Schema.org, mais il teste sans cesse l’utilité de ce dernier avec de nouveaux éléments en « béta », et d’autres abandonnés comme le montre la page officielle :

Balisage schema.org pour Google
Une courte liste des balisages Schema.org « reconnus » par Google

AMP

La firme ne s’est pas arrêtée au balisage schema.org. Ils ont aussi créé le projet AMP qui vise à créer et générer des sites et des pages HTML les plus légers possibles. Là encore le projet est Open Source et le pitch est de dire qu’une page AMP sera bien plus rapide et donc bénéfique pour l’utilisateur, et c’est vrai.

Ce qu’oublie de dire Google, c’est qu’indexer et crawler ces contenus est beaucoup plus simple et consomme bien moins de ressources. Vous noterez d’ailleurs que Google essaie très souvent l’Open Source comme levier pour formater le web.

L’évolution du web

On pourrait citer d’autres aspects d’un site : HTTPS, ergonomie mobile, temps de chargement, etc. Tous ces points sont importants et utiles pour le visiteur, mais ils servent aussi les intérêts du moteur de recherche : comprendre facilement un contenu, pouvoir l’analyser et le proposer lors des différentes recherches des internautes.

WordPress

Prenons un dernier exemple plus frais et qui nous concerne directement chez SeoMix (nous sommes une agence SEO spécialisée et experte de WordPress). Les équipes de Google ont depuis plusieurs mois des personnes dédiées au projet Open Source WordPress. Ils contribuent donc à la communauté et on ne peut que remercier tous ceux qui en font de même. Le problème qui se pose alors, c’est qu’ils vont lentement mais surement influer sur certaines décisions.

Le moteur de recherche propose ainsi d’intégrer nativement sans extension dans le CMS la fonctionnalité de génération de fichiers sitemaps. Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est, c’est une simple liste des contenus d’un site. C’est gagné : Google pourra alors indexer nativement 33% du web de façon bien plus simple.

Fichiers sitemap WordPress
L’ébauche de la nouvelle fonctionnalité des sitemaps

Ce qui me gêne dans cette proposition, outre le fait que les premières annonces risquent de faire plus de mal que de bien au référencement naturel des sites, c’est surtout que cela va à l’encontre de l’évolution du CMS où le cœur est censé être le plus léger possible pour laisser le soin aux extensions de rajouter ce type de fonctionnalités (« Plugin territory »). Tous les sites n’ont d’ailleurs pas forcément besoin de fichiers sitemaps, et la plupart des utilisateurs ne savent pas ce que c’est (sans compter qu’on n’aura pas d’interface pour la paramétrer).

Il faut aussi être honnête : oui, on parle de « proposition », mais dans les faits c’est comme si cette dernière était déjà acceptée. De même, si le but était de fournir nativement les fonctions de base du SEO à un site, il faudra peut-être commencer par pouvoir écrire une balise méta description ou ajouter une redirection 301 (et ces deux fonctionnalités n’aideront pas directement Google, contrairement aux fichiers sitemaps).

Voler vos contenus

Une fois que l’on uniformise le web, il devient bien plus simple de vous voler vos contenus pour les réutiliser directement. Google est très fort pour tirer profit du travail des éditeurs de sites. A vrai dire, dès qu’il le peut, il reprendra tout ou partie  de vos publications pour les afficher directement. Sur des requêtes précises, par exemple « Quelle est la taille de la Tour Effeil ? », l’internaute n’aura plus besoin de consulter votre site.

Le moteur de recherche a commencé ce travail il y a plusieurs années, avec d’abord le Knowledge Graph :

Le Knowledge Graph dans Google

Plus récemment, ils ont aussi mis en place la Position 0 qui donne une réponse simple et directe à une problématique de l’internaute. Elle est d’ailleurs souvent liée aux recherches vocalisée (« Ok Google ») :

Une position 0

Certes, je comprends l’intérêt pour l’utilisateur. Mais pour Wikipédia, c’est 21% de son trafic SEO qui a disparu… Et sur d’autres requêtes c’est pire : on a la réponse immédiatement sans aucune information quant à la source utilisée par Google :

Des réponses données par Google

Dans certains secteurs d’activité, le géant du web va jusqu’à proposer directement sa propre solution. Très récemment, Google a mis en place les offres d’emploi intégrées dans son moteur de recherche, en ayant signé des partenariats avec certains sites du secteur (MétéoJob ou encore Pôle Emploi) et en laissant d’autres sur le côté. Indeed par exemple a ainsi de très fortes chances de perdre beaucoup d’argent dans cette affaire (Google affiche un lien vers son site mais aucune offre) :

Offres d'emploi sur Google

Dernier exemple, le moteur de recherche a même été pris la main dans le sac pour un copier/coller de contenu entier d’un site. Genius, un site qui affiche des paroles de chanson, avait demandé à Google de ne plus afficher son contenu. Le moteur de recherche avait expliqué qu’il le faisait depuis d’autres sources. Mais Genius a inséré des caractères spéciaux en morse dans celui-ci, caractères qui se sont retrouvés ensuite directement dans la page de recherche. Après l’avoir nié, Google a finalement admis le vol (en se déchargeant bien entendu sur des « tiers ») :

Tromper l’utilisateur ?

C’est le point le plus sensible. Google commence de plus en plus à effacer la limite entre résultats naturels et ceux payants. Cela se voit à de nombreux niveaux, par exemple avec les publicités poussées à l’intérieur de ses différents services.

Prenons l’exemple de Google Maps où les partenaires (payants) s’affichent aux côtés des trajets « classiques ». Et clairement, Google n’explique pas que c’est un achat d’espace publicitaire, ce qui fait que l’utilisateur peut croire que le moteur de recherche aurait sélectionné cette solution comme meilleure par rapport aux autres. On peut citer par exemple Blablacar :

Google Maps et Blablacar

Ou encore plus récemment les trottinettes électriques (elles sont partout on vous dit ^^) :

Google Maps et les partenariats

Le point le plus flagrant à ce sujet  est l’évolution de l’affichage des publicités, qui peu à peu sont de moins en moins séparées des résultats naturels. Honnêtement, on glisse de plus en plus à la limite de l’éthique comme le montre cette image de Thomasbcn :

Publicités Google

Le moteur de recherche pourrait d’ailleurs décider d’aller bien plus loin. En 2018, il a ainsi déposé un brevet qui permettrait à terme de mélanger réellement des résultats naturels et des résultats payants sur certaines requêtes. Cela fait froid dans le dos pour notre métier de consultant SEO.

Et on fait quoi ?

C’est là tout le problème : plus on en donne à Google, plus cela risque de se retourner contre nous à terme. Mais si on ne le fait pas, nos concurrents le feront et auront une meilleure visibilité. Gardez donc en tête quelques principes de bases :

  • Ne dépendez JAMAIS de Google et trouvez d’autres sources de trafic et d’acquisition client (on en parlait en 2012) ;
  • N’appliquez pas bêtement ni systématiquement toutes les nouveautés de Google ;
  • Sur votre marché, essayez de vous différencier et de ne pas être trop « généraliste » (l’excellent livre « Stratégie Océan Bleu » peut vous y aider).

Si vous faites cela, vous réduirez les risques sur le long terme pour votre activité. Cependant, Google a de beaux jours devant lui, avec en 2016 un chiffre d’affaire annuel par utilisateur de plus de 50€.

Rappelez-vous :

Don’t Be Evil, do the right thing !

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